"OSONS LA COULEUR"

"L'expérience est saisissante.
Prenez une rame de train (ou métro) en ce glacial matin de Février et regardez comment sont vêtus les passagers: en dehors d'un bonnet beige, d'une écharpe grise, tout le monde est habillé en ... NOIR! Jeunes, vieux, femmes, hommes, pauvres ou riches, de belle humeur ou l'air renfrogné, les Français ont fait de la couleur la plus sombre celle de leur quotidien vestimentaire.

Une monochromie qui vire à la monotonie et n'est pas faite, en ces temps de crise, pour remonter le moral des troupes.
Le noir, certes austère et élégant, c'est quand même la couleur du deuil. Et ce n'est pourtant pas faute pour les créateurs d'essayer de colorer nos manteaux et nos jupes. Depuis deux saisons les couvertures des magazines vantent la tendance du "color block" censée nous transformer en Rubik's cube, parés de couleurs Stabilo: bleu roi, jaune moutarde ou rouge coquelicot... D'ailleurs Canal+ vous y engage dans sa "Matinale" d'aujourd'hui.
Mais pourquoi une telle resistance de la rue?
"Il y a un décalage énorme entre la mode des podiums et la vraie vie, analyse Vincent Grégoire, célèbre chasseur de tendance. La mode c'est un spectacle pour créer du désir.
Mais elle est éphémère et le consommateur, lui, achète de la valeur sûre, du raisonnable, du passe-partout.
la peur du tape-à-l'oeil et du mauvais goût fait le reste: peu de gens ont une relation facile à la couleur. Même la lingerie noire se vend mieux que les sous-vêtements blancs!" Par période de grand froid, le noir est de surcroît la couleur qui garde le plus la chaleur. Et puis, un tissu de mauvaise qualité en rose, ça se voit. Tandis qu'en noir ou en bleu-marine -son alter-ego moins radical, très apprécié des politiques- ça passe au moins jusqu'au premier lavage.
"C'est dommage, parce que, quelques touches de couleurs, ça excite l'oeil et c'est bon pour le moral, estime Vincent Grégoire, qui voit bien plus d'étrangers assumer des tenues bariolées. OSER LA COULEUR, c'est prendre soin de soi, s'offrir un petit clin d'oeil pimpant..." L'été nous annonce-t-il sera vert émeraude et corail dans les magazines. Des couleurs que les chromothérapeuthes, qui soignent les gens en les baignant de couleurs colorées, associent à la détente et à la tonicité.
Alors pourquoi ne pas essayer? Alexia, trentenaire qui se retrouve avec une doudoune rouge parce que c'était la dernière solde, est prête à vous le jurer: "jamais je n'ai autant attiré de sourires depuis que je l'ai adoptée!"

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         " POURQUOI LE NOIR S'EST IMPOSE "
    Auteur de "Noir, Histoire d'une Couleur" et "Des couleurs de Nos Souvenirs", l'historien Michel Pastoureau explique pourquoi le noir reste la couleur la plus portée.

Pourquoi la couleur du deuil a-telle envahi nos penderies?
"Michel Pastoureau, le deuil en noir c'est assez récent?... Longtemps le noir a été une couleur princière, difficile à obtenir pour les teinturiers et trop chère pour les classes populaires. Ce n'est qu'au XIXe siècle que la teinte s'est répandue et qu'elle a pu représenter la couleur de l'affliction pour tous. Quand on est triste, on porte souvent quelque chose de digne et sobre. Or le brun et le violet ont toujours été détestés. Donc le noir c'est imposé. Les femmes pauvres se mariaient même en noir parceque c'était leur plus belle robe!

Que symbolise le noir aujourd'hui alors?
Il y a toujours eu un bon et un mauvais noir. Le mauvais symbolise la mort, l'enfer, le péché, la tristesse.
Le bon, c'est l'humilité des moines. L'autorité des arbitres. Et puis l'élégance, depuis au moins la fin du Moyen-Âge: la robe noire, le smoking... Pour les protestants, c'est aussi une injonction morale: Dieu nous ayant fait nu, on ne doit pas se faire remarquer avec nos vêtements.
Aujourd'hui encore, la majorité des gens n'a aucune envie de se distinguer. Le noir va à peu près à tout le monde, se marie avec tout et la couleur est neutre socialement.

Les couleurs ont-elles une chance de s'imposer un jour?
Le XVIIIe siècle a été un peu plus claire, mais, globalement, nos tenues sont sombres depuis des siècles et le XXIe ne devrait pas dépareiller. En dehors de la parenthèse des années 1960-1970, où l'on a inventé la carte orange, le train corail et les cuisines vert-pomme, l'homme de la rue s'est très peu habillé de tenues colorées.
Le noir est la couleur la plus transversale, surtout en hiver et période de crise. Mais l'arrivée du Printemps va éclaircir un peu le tableau, on verra jaillir du blanc et du beige. Et même si les couleurs vives sont considérées comme vulgaires, contrairement en Asie et en Afrique, elles surgissent volontiers dans les accessoires, un sac ou un foulard."

ARTICLE de  FLORENCE DEGUEN   - 13 Février 2012  "LE PARISIEN"

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Vous connaissez notre avis à ce sujet:

            OH LES COEURS, HAUT LES COULEURS!!!"